À l'époque de Magellan, la circonférence de la Terre n'est pas encore connue avec précision, malgré le travail d'Eratosthène qui l'avait calculée près de dix-huit siècles auparavant. Mais Magellan ne sous-estime pas la dimension du Pacifique, comme une opinion courante le prétend. Son mémoire géographique, qu'il laisse au roi avant de partir, ainsi qu'une carte dressée par Jorge et Pedro Reinel en 1519 à Séville en font foi.
Planisphère de Pedro Reinel
La surprise du navigateur est de trouver un océan vide. Par malchance, il n'approche aucune des nombreuses îles qui parsèment l'océan, à l'exception de deux atolls déserts, baptisés Islas Infortunadas où il ne peut accoster.
L'eau n'est plus potable, les rations vont s'amenuisant, le biscuit même vient à manquer, l'équipage
doit survivre en mangeant des rats. Antonio Pigafetta écrit : "Nous ne mangions que du vieux biscuit tourné en poudre, tout plein de vers et puant,
pour l'ordure de l'urine que les rats avaient faite dessus et mangé le bon, et buvions une eau jaune infecte".
Le scorbut et le béribéri minent l'équipage, mais sans le décimer.
Une étude récente montre qu'il n'y a eu que neuf morts lors de cette traversée de trois mois et demi et que cela est sans doute dû au céleri sauvage abondamment
récolté dans le détroit.
Le 6 mars 1521, ils parviennent en vue de Guam aux iles Mariannes où ils peuvent se ravitailler partiellement. Ils font voile ensuite pour les Philippines,
et débarquent le 17 mars sur l'île d'Homonhon.
Ils trouvent des paysages idylliques, les épices, les oiseaux multicolores, des indigènes qui semblent pacifiques. Une première escale a lieu sur l'île de Limasawa,
où est dite la première messe, une seconde sur celle de Cebu où le Rajah Humabon se convertit au christianisme avec son peuple.
Lapu-Lapu, roi du minuscule îlot de Mactan, en face de Cebu, refuse de se soumettre aux envahisseurs. Magellan mène une expédition contre lui en estimant que soixante hommes en armure dotés d'arquebuses peuvent vaincre des indigènes nus trente fois plus nombreux. Magellan tombe sous les coups, avec six de ses compagnons, le 27 avril 1521. La chronique d'Antonio Pigafetta apporte des précisions essentielles sur cet épisode : les guerriers de Lapu-Lapu s'étaient eux-mêmes confectionnés des boucliers en bois extrêmement dur, résistant aux arquebuses, tout en s'armant de flèches empoisonnées dont le venin avait un effet quasi-immédiat.
Quatre jours plus tard, après la défaite à Mactan, le 1er mai, Le Rajah Humabon tend une embuscade aux nouveaux arrivants lors d'un dîner au cours duquel il dit vouloir remettre aux officiers de la flotte les "joyaux et présents qu'il avait promis d'envoyer au roi d'Espagne" selon l'expression de Pigafetta, il s'agissait simplement pour le roi de Cebu de revenir en grâce auprès des seigneurs voisins qui souhaitaient se débarrasser des Européens.
Selon Pierre Martyr d'Anghiera, l'origine de cette agression est tout simplement à chercher dans le viol des femmes. Ceux qui sont restés à bord des navires à l'ancre s'enfuient.
Toujours selon le témoignage d'Antonio Pigafetta, Henrique de Malacca, le domestique de Magellan, originaire des îles dont il parle la langue, se rallie à Humabon. En effet, le testament de Magellan stipule que son fidèle serviteur doit être affranchi. Or le gendre de Magellan, Duarte Barbosa, rejette cette disposition testamentaire et exige d'Henrique qu'il reste à bord. Cette contrainte injuste et illégale révolte l'intéressé qui rejoint Humabon. Ce dernier, informé des faiblesses des Européens restés sans chef après la mort de Magellan, estime le moment opportun pour se débarrasser d'eux.
Il ne reste que 113 hommes, nombre insuffisant pour assurer la manouvre de trois vaisseaux. Le 2 mai 1521, la Concepción est brûlée devant l'île de Bohol. La Victoria et la Trinidad prennent le large début mai, font escale à Palawan pour s'approvisionner en riz, puis gagnent à la mi-juillet la ville de Brunei, dans le Nord de l'île de Bornéo, pour une escale riche en péripéties. Enfin, le 29 juillet, ils lèvent l'ancre et se dirigent vers les îles aux Épices qu'ils atteignent un peu plus de quatre mois plus tard.
Les navires arrivent à Tidore, aux îles Moluques, le 8 novembre 1521. Ces îles sont déjà connues des Portugais depuis une quinzaine d'années, Francisco Serrão, mort quelques mois avant l'arrivée des navires, y étant présent depuis 1512. Les équipages chargent d'épices les deux navires restants. Alors que la Victoria s'apprête à sortir du port, une importante voie d'eau est découverte dans la Trinidad. Elle est contrainte de rester pour faire des réparations, et repartira quatre mois plus tard. Avec 50 hommes à son bord et commandé par João Lopes de Carvalho, le navire est finalement arraisonné par les Portugais qui ne trouveront à bord que vingt marins très affaiblis par leur vaine tentative de rejoindre vers l'est l'Isthme de Panamá.
La Victoria, 60 hommes (dont 13 Moluquois), sous le commandement d'Elcano, quitte l'île de Tidore le 21 décembre 152145 et réussit à traverser l'océan Indien
et à passer le cap de Bonne-Espérance pour rejoindre l'Espagne. Seuls dix-huit membres d'équipage atteignent Sanlúcar de Barrameda le 6 septembre 1522.
Douze hommes restés prisonniers des Portugais au Cap-Vert ne reviennent que quelques semaines plus tard. La Victoria est le premier bateau qui effectue la
circumnavigation complète du globe.
La vente des épices rapportées à fond de cale rembourse l'essentiel des frais engagés au départ, mais est insuffisante pour couvrir les arriérés de solde dus aux survivants et aux veuves. En fait, le bilan financier est très négatif et les expéditions suivantes (García Jofré de Loayza en 1526 et Àlvaro de Saavedra en 1527) sont des désastres. En 1529, par le Traité de Saragosse, l'Espagne renonce définitivement à ses prétentions sur les Moluques, chèrement vendues pour 350 000 ducats. Le bénéfice politique est quasi nul jusqu'à l'ouverture de la ligne Manille-Acapulco en 1565 et l'occupation des Philippines, revendiquées par l'Espagne au nom de la première découverte.
Comme l'écrit Pierre Chaunu : "le retour d'El Cano par la voie portugaise de la Carreira da India a une valeur scientifique, non pas économique. Il est prouvé qu'on ne peut contrebattre valablement par le passage du sud-ouest la navigation indo-portugaise du cap de Bonne-Espérance." Il faut attendre 58 ans la deuxième circumnavigation, réalisée par Francis Drake. Le détroit de Magellan comme voie de passage vers le Pacifique est quant à lui abandonné pendant plusieurs siècles, et seul le percement du canal de Panamá apporte une solution satisfaisante au difficilement praticable "passage du sud-ouest" par le cap Horn".